Hunt the Truth/11 VF
<<< Le temps qui me restait pour prendre le vaisseau vers Bliss et suivre la piste de Petra s'amenuisait. Je ne me dirigeais même pas vers les banlieues. Je n'allais pas faire tomber l'ONI. J'allais rester là, assis entre les joints de plancher de mon ancienne chambre, les fragments de verre de silice éraflant mes vêtements et ma peau. Je ne le remarquais même plus. Il n'y avait même plus de plancher dans la pièce où je dormais. >>>
Benjamin Giraud : [Renifle]
<<< La nuit semblait couler sur mes épaules et malgré mes efforts pour m'engoncer dans mon sweat à capuche, il faisait de plus en plus froid. Je n'aurais jamais dû venir. Ils avaient évacué mes voisins, pris tous mes biens, trouvé mes caches de liquide et n'avaient laissé que le squelette de mon appartement. Il n'y avait plus aucun indice que j'avais existé dans cet endroit. L'ONI pouvait faire disparaître tout ce qu'ils avaient envie. >>>
Ben : (murmure) Traque la vérité…
<<< Je restais assis là, silencieux, quand je reçu un appel. >>>
Ben : (murmure) Allô, qui c'est ?
FERO : Ben, il faut que tu sortes de là immédiatement, ils t'ont trouvé.
Ben : FERO ? Mais comment–
FERO : Je t'avais dit que tu étais protégé, maintenant pars !
Ben : Protégé ? Je ne sais même pas qui vous êtes, comment je pourrais avoir confiance en vous ? Je ne vais nulle part.
FERO : Ben, tu t’inquiéteras de ça plus tard, tu dois partir vite !
<<< C'était trop tard. >>>
[Bruits de pas]
FERO : Ben, écoute moi. Ben ? [Combiné raccroché]
<<< J'entendais des voix provenant de là où se trouvait ma fenêtre. Je devais me cacher, ne pas faire de bruit. Si ils utilisaient des capteurs biométriques, je devais ralentir mon rythme cardiaque. Mais j'étais terrifié. Je me suis immobilisé. L'ONI était là, et l'instinct pris le relais. Je quittais mon appartement pour rejoindre le couloir. Une porte, n'importe laquelle. J'en choisissais une. Le plastique. Il était trop bruyant. Je revenais sur mes pas et passait une porte plus loin dans le hall. Je devais être plus discret. J'avançais le plus vite possible, éviter de marcher sur les plis du plastique, naviguant à travers les silhouettes de meubles recouverts, en essayant de rester silencieux. Je me collais près de la fenêtre de la chambre et écoutais. Ma porte s'ouvrait. Ils étaient chez moi. Est-ce que j'avais laissé des traces ? J'essayais de me détendre, de respirer, et d'attendre. >>>
Agent de l'ONI : Il est ici.
<<< Ils allaient fouiller tout l'immeuble jusqu'à me trouver et me planter un couteau dans le dos. Je fermais les yeux en essayant de disparaître. Les bruits disparaissaient, c'était ma chance, je pouvais atteindre les escaliers mais je devais faire vite. Je me lançais mais à peine entré dans le salon, je les entendais et me cachais derrière un canapé. Ils étaient juste au-dehors. J'attendais. Tout était calme. Puis ils frappèrent. >>>
[Bruits de combat]
<<< Les agents me frappèrent et s'apprêtaient à me mettre à terre quand soudain. >>>
[Deux coups de feu]
<<< Les agents tombèrent à terre, morts. Qu'est-ce qui s 'était passé ?! J'essayais d'y voir plus clair quand j'entendis un des agents, toujours vivant. >>>
[Gargouillements d'une bouche remplie de sang, puis ultime coup de feu]
<<< Puis plus rien. Le tireur émergea des ombres, prit le terminal d'un des agents et se dirigea vers moi. >>>
FERO : Tu me fais confiance, maintenant ?
Ben : Ou– Oui, oui ! Mais qu'est-ce que–
FERO : D'autres agents seront là dans deux minutes, alors soit tu attends de mourir, soit tu bouges ton cul et tu sautes par cette fenêtre tout de suite !
<<< Je me suis exécuté. >>>
Ben : D'accord, d'accord !
<<< Je venais de rencontrer FERO. Je suis Benjamin Giraud, et voici la traque de la Vérité. >>>
Ben : OK, ok…
<<< FERO ouvrit la voie vers l'escalier de secours. J'essayais de ne pas regarder en bas en sautant de plusieurs mètres et courut rapidement à couvert de l'autre côté de la rue. >>>
Ben : FERO ! Où est-ce qu'on va ?
FERO : Arrête… de parler.
<<< Je suivais ses ordres en essayant de ne pas réfléchir. Elle bougeait vite en restant dans les ombres. J'essayais de suivre ses pas, mais c'était difficile. J'étais à bout de souffle quand elle descendit dans un canal de drainage et s'arrêta. Je digérais toujours ce qui venait de se passer. >>>
Ben : Ces agents, c'était des agents–
FERO : Pas le temps de parler. Je suis venue uniquement pour que tu restes libre alors écoute : si ce n'était pas déjà le cas, tu es sur leur liste noire, maintenant. Tu dois quitter cette planète, des agents doivent déjà fouiller les environs et ils ne s'arrêteront pas avant de t'avoir neutralisé.
Ben : Merde, merde…
FERO : Écoute : nous te protégerons. Nous sommes en pleine mobilisation dans les colonies extérieures. Des pions puissants sont en mouvements, mais tout le monde est dans le noir pour le moment. Tu dois te débrouiller seul pendant quelques jours et nous avons de quoi te rendre discret.
<<< Elle montra le terminal. >>>
FERO : C'est intraçable. Utilise-le, il te donnera aussi accès à un compte sécurisé. Ça suffira largement pour le moment.
Ben : Sérieusement ?
<<< Depuis que l'ONI m'avait privé de mon compte bancaire, je n'avais pas pu acheter quoi que ce soit. Et FERO venait de m'offrir une sortie de secours hors de la ruine. Elle avait sauvé ma vie, et maintenant… >>>
Ben : C'est– c'est– Merci !
FERO : Tu peux accéder à nos caches. Sans réseau nos protocoles sont morts, mais dès que ce sera fini tu seras prévenu et je m'assurerai que tu sois bien reçu.
Ben : Attendez, vous ne serez pas là ?
FERO : Notre plan est dangereux, je dois disparaître. Définitivement, sûrement.
Ben : Quoi ? Pourquoi ?
FERO : Pas le temps. La fin du délai approche et le Major est toujours considéré comme un traître. Ton histoire a révélé l'ONI au grand jour, ils sont blessés. Ils saignent encore mais si les sénateurs n'ont pas agi, l'ONI pourra récupérer, il faut agir tant qu'ils sont vulnérables. C'est pour ça qu'ils ont coupé toutes les communications. C'est une mission dangereuse, mais nous n'avons pas le choix.
Ben : Mais vous–
FERO : Ne t'inquiètes pas Ben, je n'ai pas peur de la mort. Tout ça est tellement plus important que moi. Je sais qu'il y aura quelqu'un pour continuer le combat. Des gens comme toi.
<<< L'ONI sortait l'artillerie lourde contre moi. FERO m'avait sauvé la vie et elle s'apprêtait à s'engager seule dans une mission suicide. Je ne pouvais pas disparaître. >>>
Ben : Attendez, nous avons peut-être le choix.
<<< Je demandais à FERO de repousser ses plans de quelques jours, le temps que je suive la piste de Petra. Je savais que ce que je trouverais là-bas serait important. C'était la moindre des choses que je puisse faire pour empêcher un autre de mes amis d'être tué par ma faute. Je remerciais FERO encore une fois et lui souhaitait bonne chance, puis nous nous sommes séparé. Je restais dans les ombres et allait vite pour rejoindre la navette vers Bliss. Je m'arrêtais juste à un magasin de surplus militaire en chemin. Puis je prenais mon billet pour l'espace. À mon arrivée, je me dirigeai directement vers l'office des transports. Dans la navette, le capitaine s'était montré bien plus intéressé par mes pots-de-vin que par mon histoire. J'espérais que l'employé de l'office serait aussi pragmatique. >>>
Employé : Monsieur Jarred, on ne voit pas souvent des entrepreneurs comme vous se rendre au fin fond de l'espace pour se balader sur les plaines vitrifiées. J'ai quelques visites à vous proposer. Ben : Merci, mais j'ai déjà tout prévu.
<<< Une fois mon transport négocié, je comprenais mieux ce qui était compris comme une compensation acceptable dans le milieu. Tout le monde possédait un terminal doré. L'employé me fit presque vider le compte en banque donné par FERO pour le permis. 75 000 crédits plus tard, j'avais les accès, un plan et de l'équipement. Mais il parut inquiet lorsque je refusais une escorte. >>>
Employé : Monsieur, c'est à quatre kilomètres. Et au-delà de la périphérie, le terrain est difficile, du verre brut. Certaines formations peuvent transpercer un homme.
<<< J'écourtai son hésitation. >>>
Ben : Vous prenez encore les crédits ?
<<< Alors que je m'apprêtais à partir, il me donna quelques conseils. Gratuits. >>>
Employé : Le vent est fort là-bas, et le climat est instable. On a dû fermer les réseaux de navettes ces dernières semaines. Si vous entendez cette alarme, cherchez un abri, ou vous y laisserez votre peau. Littéralement.
Ben : Merci.
<<< À l'extérieur de la ville, l'horizon était couvert de carrières. Mais dès la périphérie passée, les opérations minières s'arrêtaient brusquement. Et je vis pour la première fois la partie vitrifiée de la planète. Une mer de formes et de textures indistinctes, chaotique et impressionnante, des collines de verre noir à perte de vue. Des squelettes d'immeubles fondus éparpillés. Le terrain était rude et j'avançais aussi vite qu'en rampant dans des champs de protubérances de verre. Le climat aussi était difficile. J'étais constamment assoiffé malgré mon hydratation régulière. Je sentais que ma peau était sur le point de se fissurer sous mon épais équipement. Après m'être étouffé dans un nuage de poussière, je ne quittais plus le respirateur. Occasionnellement, des plantes désertiques sortaient de fissures, bleues ou rouge clair. Mais à part les corbeaux qui semblaient omniprésents, j'étais le seul humain en vie. Une fine cendre flottait dans l'air, trente-deux ans plus tard, étouffant la plupart des formes de vie et dessinant dans le ciel au-dessus de moi des formes changeant avec les vents erratiques. J'avais bien avancé quand un nuage de cendre descendit sur moi. Je devais m'arrêter, aveuglé. Faire un pas dans ces conditions, c'était prendre le risque d'une chute. Je consultait ma carte : j'avais parcouru trois kilomètres et demi. Je considérais prendre le risque d'avancer malgré le brouillard quand il se leva brusquement, et je fus un instant captivé par la beauté du paysage. Puis un long et puissant son rauque me tira de ma torpeur, l'alarme de tempête. Je rangeait ma carte et avançait. Des poches d'air froid et chaud se succédaient, soulevant des débris de sable. Mais je ne voyait rien. Derrière moi tout était calme, et au sommet des pics devant, tout était clair. Où était la tempête ? Je regardais de nouveau la carte : plus que quelques dizaines de mètres. Devant moi, j'aperçus les ruines d'un complexe, proches. Puis je réalisais soudain qu'il n'y avait pas de montagne devant moi. Un immense mur noir avançait sur l'horizon, se jetant sur moi. Je me mis à sprinter. La tempête approchait, noire comme la nuit et immense. Je vérifiais ma position. La structure avait été engloutie et les sections qui dépassaient rasées. Il n'y avait aucun abri et la tempête arrivait. Je regardait autour de moi désespérément en essayant de protéger mon visage. Il y avait une section effondrée plus loin. Des débris étaient portés par le vent, de petits bouts de verre qui accrochaient à mes vêtements et, portés par les courants d'air, coupaient la peau de mes membres. Le son de la tempête était assourdissant. Je devais entrer. Je frappait le sol du complexe où il semblait fragile, alors que le vent soufflait de plus en plus fort et que ma peau était en feu. Un coup plus tard, le sol s'effondrait et je tombais dans la structure. Je reprenais mon souffle avant de retirer le respirateur. Ma peau était éraflée et un morceau plus gros que les autres était fiché dans mon pouce. La blessure saignait mais n'était pas profonde, j'utilisais mon kit de soin pour le panser avant de commencer mon exploration. J'allumais ma lampe-torche et la dirigeait sur un des murs. >>>
Ben : Service de renseignement de la Navy, communications spatiales…
<<< C'était un ancien complexe de relais subspatial de l'ONI. Un des milliers disséminés dans le sous-espace pour réduire la latence avec les relais de la Terre. L'ONI n'aurait jamais laissé quelque chose d'utile dans cet endroit. >>>
Ben : Okay, les indications de Petra.
<<< Je devais chercher des indications montrant une zone de sécurité. Je descendais des marches jusqu'à ce qui semblait être le dernier étage, et d'après l'écho, la pièce était immense. J'avançais dans des rangées d'étagères recouvertes de tissus. Quoi qu'ait subi Bliss, ça n'avait rien dérangé ici. Sous les tissus se trouvaient des armes. Fusil, explosifs, du matériel non réglementaire. >>>
Ben : Des flingues ?!
<<< J'avais fait tout ce chemin pour une cache d'armes ? Puis je l'aperçut du coin de l'œil. À l'autre bout de la pièce, derrière une porte de verre. Une petite lumière clignotante. >>>
Ben : Non… Impossible… Le relais ?
<<< Un relais actif ? Il pouvait contenir tout et n'importe quoi. Au vu des dégâts faits en surface, ils avaient sûrement pensé qu'ils s'étaient propagés jusqu'ici. L'ONI était sûrement totalement absente ici. C'était la raison de ma présence. Je connectais mon terminal. Le serveur lié au relais était en stand-by, mais fonctionnel. >>>
Ben : Ça se connecte !
<<< Quelque chose s'activa plus bas et des lumières d'urgence s'activèrent dans la pièce. Je commençais à faire des recherches. Biko. Les fichiers étaient récents. Je me souvenais encore du nom du fichier fuité par FERO. La vidéo s'affichait. Mais il y en avait un autre que personne n'avait vu. Je le transférais et l'ouvrait. La vidéo rassemblait le point de vue de toutes les caméras présentes ce jour-là. La vidéo d'origine montrait seulement le Major tirer dans un couloir avec des cris de civils. Mais le reste du couloir n'était pas visible Je voyais maintenant deux personnes avec des lance-roquettes, d'autres avec des grenades, et le Major ne leur avait pas laissé la moindre chance. Je le voyais éliminer méticuleusement chaque terroriste, ouvrant le feu douze fois et ne touchant à chaque fois que des assassins. Je voyais quatre gardes et le garde rapproché de Sekibo ouvrir le feu sur lui. Et les rapports légistes confirmaient ces événements. L'indic' de Ray avait raison. Le Major avait tué les méchants qui voulaient tuer des innocents. Je trouvais également la demande de protection de Sekibo et le refus instantané de l'UEG. J'avais tout ce qu'il me fallait pour disculper le Major, et encore plus pour inculper l'ONI. Une idée me traversa l'esprit. Je savais exactement quoi chercher ensuite. >>>
Ben : Benjamin… Giraud.
<<< Un frisson me parcourut alors que les résultats s'affichaient. Des profils psychologiques. Des conversations entre Sully et ses employeurs, des listes de mes points de pression et de mes relations. Je me sentais nauséeux. J'enregistrais les fichiers mais ne pouvait me résoudre à les lire. Je faisait défiler les listes des témoins. Les véritables états de service de Gabriella Dvørak : en 2524, elle était sur Dwarka et n'avait jamais mis les pieds sur la planète où elle avait supposément libéré le jeune John. Le survivant Thomas Wu, qui avait mentit sur l'existence de camps sur la planète de John, avait été soigneusement choisi. On lui avait promis l'ouverture de plus de mémoriaux et de campagnes de sensibilisation sur les souffrances endurées par les prisonniers des insurgés. Je trouvais également les acteurs. >>>
Ben : Vous voilà, sales enfoirés.
<<< Hall Gustavson, ou plutôt Jakob Walker y était. Sa carrière, sa personnalité, son accord pour détruire tout travail passé et prendre sa retraite après ce contrat. Puis je trouvais Deon. Ou plutôt Simon Kenzigton, il y avait même une vidéo d'un de ses entraînements d'imitation de Deon, répondant à un fichier audio programmé par l'ONI. Alors qu'il posait des questions sur mes propres vulnérabilités émotionnelles, mes nausées se transformèrent en rage. >>>
Ben : Connard…
<<< Quand vint le moment de l'histoire que je n'avais jamais voulu entendre, l'histoire des Spartans par Anthony, je réalisais que j'étais toujours réticent à posséder des preuves à ce sujet. Je me forçais à les ouvrir. J'avais sous les yeux des ordres de missions de reconnaissance top secrets datant de 2516, classés planète par planète, toutes des colonies extérieures. Et dans les qualifications pour le programme, une liste de critères physiologiques et psychologiques, de compatibilité génétique avec les procédures d'augmentation, et l'âge optimal : 6 ans ou moins. Je lançais une dernière recherche. >>>
Ben : John… 1-1-7.
<<< Le voilà, sur la liste, en 2517. Je suivais son nom sur la liste de documents qui s'affichaient. Des rapports de progrès tenus par des scientifiques dans des termes qu'on utiliserait pour une arme expérimentale, mais ils parlaient d'un enfant. Ils avaient fait ça à un héros. À mon héros. Et à d'autres enfants. >>>
Ben : Qu'est-ce qui se passe ?
<<< Des fichiers corrompus commençaient à envahir mon terminal. Je le déconnectais immédiatement du serveur et vérifiais les fichiers. Ils étaient intacts. >>>
Ben : Ouf…
<<< Puis tout s'éteignit. >>>
Ben : Non, non !
<<< J'étais terrifié. Avais-je dépassé la fenêtre de 72 heures de Petra ? Est-ce que l'ONI m'avait surpris ? Je regardais l'heure. J'étais dans les temps. Mais que c'était-il passé ? Sur le relais, le voyant de stand-by était toujours allumé, clignotant vivement. J'avais tout ce qu'il me fallait. Je sortait du bunker, il était temps de laisser ce désert de cendres derrière moi. Alors que j'entamais mon retour dans les terres vitrifiées, mon pas était plus assuré. Je connaissais le terrain, et je tenais l'ONI à ma merci.
Rejoignez-moi pour le prochain épisode de la traque de la Vérité. >>>
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